Une opération de réemploi à grande échelle
L’Institut de Botanique (B22) de l’ULiège est un bâtiment moderniste de type brutaliste, conçu par Roger Bastin entre 1965 et 1970 et listé à l’Inventaire du Patrimoine Immobilier Culturel Wallon. Après plusieurs décennies de vie sans intervention majeure, le bâtiment nécessitait une remise à niveau importante afin d’assurer sa pérennité et réduire significativement ses impacts énergétiques et environnementaux. Le parti d’investir dans la rénovation lourde d’un parc immobilier existant (plutôt que de reconstruire du neuf sur un terrain vierge ou d’opérer une démolition/reconstruction) s’inscrit dans une démarche forte de durabilité et de réemploi des infrastructures existantes (bâtiments mais aussi réseaux).
Les enjeux du projet
Le projet est inscrit dans le cadre du programme européen eeef, visant à réduire les consommations énergétiques des bâtiments de 20% au minimum.
Le défi majeur du projet a résidé dans la manière d’aborder la rénovation énergétique du bâtiment (isolation par l’extérieur en particulier) au regard de ses qualités architecturales à ne pas dénaturer et de la nécessaire continuité des activités de recherches à assurer.
Les objectifs en terme de rénovation énergétique
Le bâtiment se présente comme un monolithe géométrique de béton dont l’une des qualités principales réside dans la tension qui relie la géométrie forte et austère de l’édifice à l’effet puissant de texture du béton, réalisé par banchage au moyen de planches de sapin. La rudesse et l’imperfection d’ensemble contrastent largement avec la régularité de la composition, dans un rapport nature/culture omniprésent dans le campus universitaire du Sart Tilman. A noter que le bâtiment a fait l’objet d’une campagne de mise en peinture (début des années 2000) à la suite de nombreux problèmes de carbonatation des bétons.
Ces travaux ont largement modifié les qualités esthétiques initiales du bâtiment. Pour des raisons d’efficacité énergétique et d’organisation, le choix s’est porté sur une isolation par l’extérieur (30 cm de laine minérale), avec la mise en œuvre d’une « peau » extérieure en bois de réemploi. Le choix du réemploi n’est pas arbitraire – faire du réemploi pour le réemploi. Il est sous-tendu par un projet global d’architecture qui vise à mettre en évidence les qualités spécifiques d’une matière dans le contexte de son emploi.
Les réflexions ont porté sur différents aspects :
- La texture du bois de réemploi, fortement véinée, est l’empreinte inverse de la texture du béton d’origine. Une analogie se crée entre la texture initiale (toujours présente à l’intérieur du bâtiment) et le nouveau revêtement.
- L’absence de maîtrise : à l’époque de la construction du bâtiment, la qualité esthétique du béton était relativement aléatoire. Le bois de réemploi permet de réinjecter dans le bâtiment une matière dont l’architecte ne maîtrise pas l’entièreté des aspects esthétiques.
- La valeur d’ancienneté (selon l’historien de l’art autrichien Aloïs Riegl) : ce bâtiment âgé de 50 ans possède une patine, la marque du temps qui passe. Le choix d’une matière de réemploi, elle-même patinée, ravinée, attaquée… permet d’éviter l’effet d’un lifting et de conserver au bâtiment la dignité de son âge.
- La durabilité : l’objectif est de compléter la durabilité énergétique (réduction des consommations et des émissions de gaz à effet de serre) par une réflexion plus profonde sur la durabilité des matériaux, avec l’intention d’éviter la surconsommation des ressources.
Le réemploi
Le choix de travailler avec des éléments de réemploi n’est pas resté sans conséquence sur le travail de conception architecturale. Dans un tel projet, il s’agit de partir de la matière pour aller vers le développement d’une proposition architecturale – et non l’inverse. C’est la matière qui dicte la composition : l’absence de maîtrise du matériau (largeurs et épaisseurs différentes, rendus variés…) implique de penser le projet en garantissant à tout moment une souplesse de mise en œuvre. C’est aussi une façon de limiter les déchets liés à la mise en œuvre. Dans le cas de l’Institut de Botanique, le dessin du calepinage s’est ainsi plié aux spécificités des planches de réemploi (travail d’éléments hétérogènes, utilisation des chutes, etc.).
Trois formes de réemploi ont été pratiquées dans ce projet :
Le retour du chantier
En phase de chantier, le réemploi a également impliqué une série de questions et de défis :
- Les garanties matériaux – Par manque de connaissance sur cette matière et de familiarité avec les pratiques de réemploi, l’entreprise a d’abord montré une forme de réticence. C’est alors à l’auteur de projet d’apporter les arguments quant à la faisabilité technique du dossier et ses qualités esthétiques. Une étude soutenue et approfondie de l’ensemble du projet en amont met évidemment l’entreprise dans de meilleures dispositions. La plupart des questions soulevées peuvent ainsi être anticipées. Les qualités techniques des gestionnaires et leur expérience sont également cruciales dans le dialogue constructif qui s’ensuit.
- Le planning et sa dépendance à l’approvisionnement – L’échelle du projet a complexifié l’approvisionnement des matériaux en continu sur chantier. Aucun stock de 2.600 m² n’étant disponible en tant que tel sur le marché du réemploi, il a fallu séquencer l’approvisionnement par lots de +/- 400 m², avec tous les risques inhérents à un arrivage discontinu. Le planning a dû être revu à plusieurs reprises. L’intelligence des gestionnaires de chantier de l’entreprise a été un atout car elle a permis de passer d’un planning linéaire (phase après phase) à un planning horizontal où plusieurs phases se chevauchaient afin de garantir, à tout moment, du travail pour les équipes et un délai de chantier conforme au cahier des charges.
- L’absence de normalisation de la matière – L’absence de normes et de documentation technique sur les matériaux de réemploi complique leur usage. Dans ce cas, l’ouverture du maître de l’ouvrage, mais surtout le bon sens commun de l’auteur de projet et de l’entreprise (capables d’évaluer l’aptitude à l’usage d’un matériau malgré l’absence de norme technique à ce sujet) sont nécessaires pour le bon déroulement du chantier. Ceci implique néanmoins des précautions supplémentaires afin de garantir à chacun l’assurance qu’il est en droit d’attendre pour ne pas engager sa responsabilité au-delà des limites acceptables. Un excellent dialogue entre toutes les parties reste la principale voie du succès d’un tel projet.
- Le budget – De façon générale, en-dehors des opérations de réemploi sur base de matériaux récupérés in situ qui se sont avérées meilleures marchés, les opérations de réemploi de matières extérieures ont été plus onéreuses en comparaison de matériaux neufs et ceci tant lors de la soumission que du retour sur investissement de l’entreprise après la réalisation.
- collecté et distribué en Autriche, revendu en Belgique (Biemar Bois), mis en œuvre par l’entreprise Moury (sous-traitant HD System) pour la réalisation d’un nouveau bardage de façade (2.600 m²)
- revendues en Belgique (Biemar bois) pour la réalisation d’une terrasse extérieure de 140 m²