A la découverte de BatiTerre
Lors de notre soirée consacrée à la circularité dans la construction, Nicolas Smets de BatiTerre est venu nous présenter la coopérative créée en 2020 par l’action conjointe du Groupe Terre, de BatiGroupe et de l’asbl La Poudrière. Notre équipe a par ailleurs eu le privilège de visiter les locaux bruxellois assez impressionnants et de découvrir les activités de la coopérative. En voici le compte-rendu !
Les locaux de BatiTerre
Bruxelles, une matinée ensoleillée de novembre, je m’engage dans une rue pleine de vie après avoir contemplé l’imposante structure des abattoirs d’Anderlecht. Direction Le Circularium, un ancien site industriel privé et transformé qui offre près de 20.000 m² de surface dédiée aux circuits courts, aux acteurs de la vie culturelle et à la vie de quartier. BatiTerre s’y est donné pour mission d’inventorier, de collecter, de démonter, de stocker et de revendre des matériaux de construction, du WC à l’isolant, en passant par des composants électriques et du mobilier.
A peine arrivé sur place, le ton est donné : palettes entières de briques, WC, lavabo, éléments de charpentes, baignoire, bac de douche, isolant, etc. En intérieur comme en extérieur, les lieux regorgent d’éléments de construction, tantôt vestiges d’une mode oubliée, tantôt semblant sortis tout droit d’une grande enseigne professionnelle. De nombreux racks métalliques jalonnent le parcours du visiteur au sein des hangars de la jeune entreprise où règne une atmosphère de marché aux puces, organisé avec la rigueur d’un grand géant suédois. Dans un coin du hangar, une fraiseuse, une scie à ruban, de nombreux profilés métalliques et une odeur d’acier attire mon attention. Nicolas m’explique qu’un ferronnier a pris ses quartiers dans l’atelier de BatiTerre pour retravailler certains éléments de récupération et leur donner une nouvelle vie, à l’image d’un imposant châssis artisanal, réalisé à partir de cornières récupérées, trônant fièrement dans le hall d’entrée.
La découverte des lieux sera rapidement suivie par une invitation à rejoindre les bureaux de BatiTerre, intégrés dans un bloc en ossature bois 100 % made with reusable materials placé sur une mezzanine au-dessus d’un lieu de stockage.
Recyclage, downcycling et upcycling
Avec une passion non dissimulée, notre orateur entreprend un jeu visant à nous faire découvrir les différences faces de ce que l’on nomme très communément le recyclage.
Les progrès encore à faire
Le vitrage des bâtiments n’est pas encore recyclable car il est impossible de le retrouver à l’état pur une fois mis en œuvre. Intercalaires, films de sécurité, contours en aluminium sont autant d’éléments difficilement séparables qui empêchent le recyclage du verre. AGC travaillerait au recyclage mais le processus serait actuellement encore très/trop cher. Faute de pouvoir viser un recyclage du verre en vitrage, une infime partie (2%) est ainsi downcyclé en laine de verre.
En guise de conclusion de ce chapitre, une vidéo assez percutante nous est proposée ; une grue équipée d’un grapin arrache les châssis d’une façade d’un immeuble de bureaux, construits il y a 4 ans !!! Un chantier de rénovation étant entrepris pour transformer ces bureaux en logements. Pourquoi ? Parce que certains gros acteurs du secteur de l’immobilier ont les moyens de se permettre ce genre d’ineptie. A la vue de ces images, le message politique demandant aux citoyens de faire un effort résonne particulièrement mal dans mon esprit… Une dernière pour enfoncer le clou ? Le salon de l’auto et ses 1.700 m² de parquet Egger, 10 jours d’utilisation et puis… Recyclage ? Downcycling ? Upcycling ? Que nenni : poubelle !
La performance des matériaux réutilisés
La présentation ayant bien échauffé les esprits, les questions et remarques fusent. Parmi les nombreux échanges, mon oreille de technicien capte la question d’un responsable PEB ; comment garantir la performance d’un isolant réutilisé ? Faute de solution à ce stade, une possibilité est de réutiliser l’isolant dans un usage acoustique plutôt que thermique, sa performance ne devant pas être justifiée dans une telle application.
Quant aux chiffres du réemploi, ils commencent à faire parler d’eux mais la tâche reste encore ardue. Par ailleurs, le cadre législatif n’aide pas vraiment à promouvoir le réemploi. On entend bien parler d’économie circulaire dans diverses communications régionales mais il n’y a, actuellement, encore aucune obligation de réemploi dans un chantier de construction ou de rénovation.
Une obligation de progresser vers un faible pourcentage de matériaux réutilisés permettrait déjà de donner un gros coup de main aux filières et de sensibiliser la population à l’importance de ces gestes. Mais l’aspect environnemental d’une construction est encore fort peu considéré aujourd’hui, même si des travaux et outils (ex : TOTEM) commence à pointer le bout de leur nez.
En attendant, les matériaux de réemploi doivent rester moins chers que des matériaux neufs s’ils veulent convaincre. Nicolas ne recule pas devant cette contrainte et réfléchit déjà à des services qui favoriseraient les démarches visant le réemploi sur certains chantiers. Actuellement, il est fréquent de faire appel à un entrepreneur pour démolir et évacuer certaines parties d’un bâtiment. Pourquoi ne pas réorienter cette dépense vers les services d’un démonteur qui se chargera de désassembler le bâtiment plutôt que de le démolir ? Cette manière de procéder aurait l’avantage de favoriser la récupération d’éléments réutilisables et revendables par la suite. La clé sera de faire en sorte de rester moins cher ou au moins aussi cher que l’entrepreneur démolisseur. Cette notion de démontage doit devenir la nouvelle norme de construction et permettre ainsi l’émergence de nouvelles pratiques, de nouveaux modes de conception.
Comment concrétiser le réemploi en 5 clés selon BatiTerre ?
- La construction réversible
- L’adaptabilité
- L’intégration de la démarche
- La conception sur base de l’existant
- L’expérimentation